MIRAGE (2020-2022)

MIRAGE - "dynaMIque de vibRio Aestuarianus chez les coques dans des Gisements Exploités des hauts de France et chez les huîtres creuses en lagune de Thau"

Ce projet financé par la DPMA réunit 9 partenaires :

  • Le Laboratoire Interactions Hôtes-Pathogènes-Environnement -  IHPE    
  • L'Unité ASIM (précédemment  LGPMM)
  • La Plateforme des Mollusques Marins La Tremblade - PMMLT
  • Le Laboratoire Environnement Ressources Boulogne sur Mer - LERBO,
  • L'Unité MARBEC - LERLR
  • Le Groupe d'Études des Milieux Estuariens et Littoraux - GEMEL,
  • Le Comité des Pêches Maritimes et des Élevages Marins Hauts de France - CRPEM
  • Le Comité Régional de Conchyliculture de Méditerranée - CRCM,
  •  La Direction Départementale des Territoires et de la Mer de l'Hérault -  DDTM 34

Objectifs :

  • Étudier la dynamique, les niches écologiques de la bactérie V. aestuarianus
  • Étudier les facteurs favorisant la transmission ou le développement de la maladie associée chez les coques et chez les huîtres.

Contexte :

Vibrio aestuarianus est une bactérie pathogène affectant les huîtres creuses adultes dans tous les bassins ostréicoles français depuis les années 20001. Sa prévalence et son impact sont variables selon les années et les régions, mais cet agent infectieux représente un risque majeur pour les professionnels.

Au niveau de la lagune de Thau, ces mortalités inquiètent les conchyliculteurs qui relatent des mortalités anormales sur des huîtres nouvellement détroquées au cours de l’été. En 2020, par exemple, 29 fiches de déclaration de mortalité ont été transmises aux autorités compétentes, relatant des mortalités dont le taux est estimé entre 20 et 73% (moyenne des mortalités déclarées : 39% ± 15). Une saisine REPAMO effectuée fin mai a permis de confirmer la présence de V. aestuarianus dans les animaux et donc l’imputabilité de cet agent infectieux dans ces mortalités.

De plus, depuis 2012, des mortalités importantes de coques, Cerastoderma edule, ont été signalées sur différents gisements classés français dont celui de la baie de Somme (1er gisement naturel de coques français en termes de production). Lors de ces mortalités anormales, des bactéries appartenant à l’espèce Vibrio aestuarianus ont été isolées des animaux moribonds. Nos premiers travaux ont permis de démontrer que ces souches sont pathogènes pour les coques et constituent une nouvelle sous-espèce : Vibrio aestuarianus subsp. cardii .

   Bien que V. aestuarianus soit régulièrement associé à des mortalités d’huîtres creuses adultes depuis les années 20001-2 et soit également retrouvé chez d’autres espèces comme les coques, les informations relatives à son cycle de vie, ses niches écologiques et les facteurs favorisant son développement sont très limitées, ce qui ne permet pas de pouvoir envisager de mesures prophylactiques pour prévenir la maladie et limiter sa transmission.

   Nos premiers travaux ont permis de suggérer une transmission modérée de V. aestuarianus chez les huîtres creuses3, sous influence de la température4-5. Malgré différentes tentatives, nos connaissances sur le cycle de vie, les niches écologiques de cet agent infectieux, et l’influence de facteurs abiotiques d’importance (salinité, oxygène dissous) restent limitées. Ce manque de connaissance est à lier à la difficulté intrinsèque de ce modèle d’interaction :

  1. Les mortalités associées sont lentes, s’étalant sur plusieurs mois et sont souvent peu déclarées par les professionnels ;
  2. V. aestuarianus est vraisemblablement présent à très faible concentration dans l’environnement des animaux, et reste donc difficile à détecter, surtout dans un environnement ouvert
  3. Il existe 3 sous-espèces de V. aestuarianus toutes détectées avec l’outil diagnostic actuel : V. aestuarianus subsp. aestuarianus non pathogène pour les coquillages, V. aestuarianus subsp. cardii pathogène pour les coques, V. aestuarianus subsp. francensis pathogène pour les huîtres.

   De la même façon, nos connaissances sur la dynamique d’infection, les réservoirs ou sources de V. aestuarianus pathogène de coques sont particulièrement limitées. En effet, aucun suivi en milieu naturel n’a jamais été réalisé et nos analyses ne s’appuient que sur des échantillons collectés lors d’évènements de mortalité. Une étude préliminaire notamment pour développer une méthode de détection plus sensible de la bactérie a été réalisée en 2019 et la bactérie a été retrouvée dans certains échantillons.

   De par l’absence de réseau d’observation sur cette espèce, nous avons ici choisi de nous appuyer sur une volonté et une mobilisation régionales d’un comité des pêches (CRPMEM), d’un groupement (GEMEL) et de professionnels qui réaliseront le suivi et les prélèvements.

   Ainsi, il nous parait important de disposer de plus de données solides, qui pourraient être obtenues en couplant

  1. des approches d’analyses de données collectées in situ et/ou issues des collections du LNR de La Tremblade,
  2. des expérimentations en laboratoire pour d’identifier des facteurs de risques potentiels,
  3. des échantillonnages in situ pour identifier les niches écologiques dans 2  environnements propices (i) la lagune de Thau : écosystème confiné situé entre terre et mer, avec une forte activité conchylicole et (ii) les Hauts de France : gisements naturels de la baie de Somme et de la baie d’Authie,
  4. des nouveaux outils moléculaires plus sensibles (dépistage par QPCR-post-enrichissement) et plus précis (génomes complets pour une affiliation taxonomique fine) permettant de révéler la présence de souches de V. aestuarianus virulentes envers d’huître dans l’environnement.

   Concernant les coques, le projet a commencé en 2020 mais n’a pu être finalisé en raison de la crise sanitaire liée au COVID-19. Une partie des actions envisagées en 2020 a cependant pu être réalisée (étude bibliographique des facteurs de risques des mortalités de coques, plan d’échantillonnage des gisements, une partie des prélèvements (le suivi a commencé en août 2020 au lieu de mars 2020) et le séquençage de certaines souches isolées).

1 Goudenege, D., et al. A single regulatory gene is sufficient to alter V. aestuarianus pathogenicity. Env Mic (2015).

2 Parizadeh, L., et al. Ecological realistic models of infection to explore the spatio-temporal dynamic of oyster colonization and host damages caused by Vibrio aestuarianus. Environmental microbiology (2018).

3 Lupo C, Travers M.-A et al. Modeling the Transmission of Vibrio aestuarianus in Pacific Oysters. Frontiers In Veterinary Science (2019).

4 Lupo C, et al.. Spatial epidemiological modelling of infection by Vibrio aestuarianus shows that connectivity and temperature control oyster mortality. Aquaculture Environment Interactions (in press)

5 Vezzuli et al (2014) Environmental microbiology

6 Lagarde F et al. Duality of trophic supply and hydrodynamic connectivity drives spatial patterns of Pacific oyster recruitment. (2019) Marine Ecology Progress Series,